Analyse du cours du bitcoin

Introduction
Cette étude vise à analyser l’évolution du cours du bitcoin, et à défaut de prédire l’avenir, celle-ci vise à apporter un éclairage sur ce qui peut être attendu de ce phénomène nouveau dans l’histoire humaine.
Les lecteurs seront supposés connaître le fonctionnement global du protocole Bitcoin. Les références en annexe pourront être consultées à cet effet pour plus de précisions.

Dans le texte qui suit, on distinguera Bitcoin (B majuscule) qui définit le protocole, de bitcoin (b minuscule) qui définit la monnaie, le jeton.


L’analyse est basée sur les réflexions que l’on peut lire ou entendre dans de nombreux documents ou reportages, à savoir que la valeur du bitcoin ne reposerait sur rien et que l’augmentation du cours au fil de sa courte histoire est l’expression d’une bulle spéculative.
A ce stade de la réflexion, il peut être utile de rappeler de manière simplifiée le processus de création et distribution des bitcoins : Toutes les transactions effectuées sur le réseau sont regroupées dans des « blocs » qui sont validés par les participants au réseau qui veulent participer à ce travail. Ces participants ont pour tâche « annexe » de trouver une solution à une équation mathématique complexe. La fonction mathématique utilisée a la particularité d’être non-réversible, la méthode pour trouver ce résultat consiste donc à essayer de nombreuses combinaisons aléatoirement. Les participants sont encouragés à effectuer ce travail par une rétribution en bitcoins créés pour l’occasion. Quand une solution est trouvée, le « gagnant » se voit récompensé par l’octroi d’un nombre de bitcoins défini. Les autres participants reprennent alors à ce moment le travail de validation et de recherche de solution. Le programme est fait de telle manière que plus la puissance de calcul mise en jeu est importante, plus la difficulté de résolution est importante, ceci de manière à ce qu’un bloc soit validé toutes les dix minutes environ. La quantité de bitcoins distribués à chaque validation est variable au cours du temps et est le point central de l’étude menée ici. On notera que les participants à ce calcul sont nommés les « mineurs », par analogie avec les mineurs qui creusent physiquement la terre à la recherche de richesse (or, charbon, minerais divers). On notera que la puissance de calcul mise en jeu sur le réseau bitcoin dépasse de très loin la puissance de calcul du plus gros calculateur existant. Ce point est l’objet de reproches du fait de l’inutilité pratique du calcul effectué (autre que de se voir hypothétiquement attribuer des bitcoins), ceci pour un coût énergétique notable. Pour assurer la fourniture énergétique nécessaire aux calculs effectués, il faudrait dédier de un à deux réacteurs nucléaires à cet effet. L’analyse écologique du protocole Bitcoin pourra faire l’objet d’une étude complète.
Pour plus de détails sur le fonctionnement du protocole Bitcoin, voir ici.
A ce stade, on notera déjà que la critique comme quoi le Bitcoin ne repose sur rien est fausse, la quantité d’énergie mise en jeu est loin d’être négligeable, et celle-ci a un coût. De même que le mineur d’or ou de diamant doit dépenser une quantité d’énergie considérable pour avoir la chance de trouver une pépite ou quelques diamants au milieu de tonnes de gravats, le bilan énergétique de la recherche de diamants peut être mis en rapport avec celui mis en jeu pour Bitcoin. Les diamants étant par ailleurs tout à fait reproductibles artificiellement, au contraire des bitcoins, ce qui pose des questions sur le concept de rareté, et donc de valeur, thème abordé plus loin.

 

De la distribution des bitcoins
Le protocole bitcoin a été initié en 2009 et est en cours de déploiement, distribuant ses bitcoins selon une règle fixe. Vingt-et-un millions de bitcoins seront distribués en tout et pour tout au cours de l’évolution du protocole dans le temps. Initialement, chaque validation de bloc était récompensée de 50 bitcoins, ceci depuis le premier bloc, jusqu’au bloc numéro 210 000. Cela correspond à environ quatre ans. Ensuite, cette rétribution est tombée à 25 bitcoins par validation de bloc. Environ quatre ans après (juin 2016), elle est de 12,5 bitcoin jusqu’en 2020 approximativement. Le nombre de bitcoins distribuables étant fixé, la date de fin de distribution peut être calculée. En considérant qu’il y a un bloc validé toutes les dix minutes, celle-ci interviendra en 2140. Le protocole Bitcoin doit donc se déployer sur 131 ans.
Ce point est crucial dans l’analyse du phénomène Bitcoin, et semble parfois occulté par les analystes financiers ou boursiers traditionnels. En effet, les marchés financiers n’ont pas de date déterminée de fin de processus, ceux-ci étant supposés fonctionner de manière identique et continue sur plusieurs générations, mis à part les divers krachs boursiers et éclatement de bulles qui ont émaillé l’histoire des marchés financiers (et qui continueront de le faire). Ici, du fait du mode de rétribution décroissant au cours d’un temps limité, une analyse détaillée et spécifique est nécessaire.
Dans le paragraphe suivant, je vais chercher à déterminer la fonction mathématique décrivant le processus de répartition des bitcoins.

Pour ceci, je définis la notion d’ère qui représente chaque phase de distribution de bitcoins par bloc validé. Chaque ère dure environ 4 ans et exactement 210 000 blocs. Pour plus de commodité, j’utilise le symbole financier BTC pour la valeur bitcoin. Le mode de distribution varie ainsi :


Ere 1 : 50 BTC distribués par bloc validé,
Ere 2 : 25 BTC (soit ère 1 divisé par 2),
Ere 3 : 12,5 BTC (soit ère 2 divisé par 2, ou ère 1 divisé par 4),
Ere 4 : 6,25 BTC (soit ère 3 divisé par 2, ou ère 1 divisé par 8),
etc…


Cela donne la variation de distribution illustrée à la figure 1 :

figure 1 : distribution de bitcoin pour chaque ère

Légende : en abscisse, chaque graduation représente une ère, soit 4 ans. En ordonnée est reportée la quantité de bitcoins distribuée par bloc validé.
En langage plus mathématique, en remplaçant ère par x, et y le nombre de bitcoins distribués par bloc, on a :

On peut en conclure que la formule mathématique qui décrit la distribution de bitcoins est la suivante :

 

 

 

formule (1)

 

Cette expression est de forme exponentielle avec la variable en exposant.
Le tracé de la courbe générée par la formule (1) est reporté sur la figure 2 dans un repère orthonormé.

Figure 2 : répartition lissée du nombre de bitcoins par bloc

Le traçage de cette même équation sur un graphique à échelle logarithmique est illustré à la figure 3. Son allure est alors une droite dans ce référentiel.

Figure 3 : tracé exponentiel de la distribution de bitcoin par bloc.

 

Conséquence du mode de distribution
La distribution du nombre de bitcoin s’effectuant par paliers (50 pendant 4 ans, puis 25, etc) crée un déséquilibre de répartition au cours de chaque ère. En effet, en considérant que le travail des mineurs est le même entre la fin de la période précédente et le début de la nouvelle période, leur rémunération en bitcoin par le protocole est subitement divisée par deux au changement d’ère. Cela
s’exprime par un déficit de rémunération par rapport à la courbe de répartition définie par la formule (1). Ceci est illustré sur la figure 4. La zone repérée déficit représente un manque de rémunération, qui est compensé en fin d’ère par un bénéfice de rémunération.

Figure 4 : bénéfice et déficit de rémunération

 

Nous allons voir que ce phénomène se traduit par une variation importante du cours au moment du changement d’ère.


Evolution du cours
Il est possible de représenter la rémunération journalière des mineurs en multipliant la valeur du cours du jour par la distribution de bitcoins effectuée ce même jour. Pour l’exercice, on ne prendra pas en compte ici les revenus des mineurs que sont les frais de transaction. Ceux-ci sont devenus importants et pourront être traités de manière indépendante. A noter que toutes ces données sont libres d’accès grâce à la technologie blockchain évoquée plus haut. Il est alors possible de regrouper sur un même graphique le nombre de bitcoins distribués, la rémunération des mineurs et le cours du bitcoin (voir figure 5).

Figure 5 : cours et rémunération en BTC et $

Légende : un point tous les deux jours, en bleu le nombre de bitcoins distribués, en vert le cours en $, en orange la rémunération des mineurs.

 

Sur cette figure, on constate que le cours est resté plusieurs années relativement stable en regard du cours actuel. On notera cependant que dès les premières années des chutes de cours avaient été remarquées, largement commentées, et subies par les utilisateurs. En 2011 déjà le cours avait été l’objet d’importantes fluctuations, avec une pointe à 20$ suivi d’une baisse quelques mois plus tard vers 2$. La période 2014-2015 avait vu le cours passer de 1000$ à 300$.
Cependant, en terme d’analyse, ce mode de représentation des données dans un repère orthonormé n’apporte que peu d’enseignements, et est très souvent à l’origine des commentaires sur l’aspect purement spéculatif de Bitcoin, de phénomène de bulle et d’effondrement proche (annoncé à de multiples reprises).
En revanche, en s’appuyant sur le processus de distribution des bitcoins défini par le protocole et modélisé par la formule (1) de nature exponentielle, si l’on représente la variation des mêmes éléments (distribution, rémunération, cours) sur un graphique à échelle logarithmique (voir figure 6), l’analyse devient alors possible, et prend sens.

Figure 6 : cours et rémunération échelle logarithmique

Légende : un point tous les deux jours, en bleu le nombre de bitcoins distribués, en vert le cours en $, en orange la rémunération des mineurs.

 

On retrouve les événements précités de 2011 et 2014 de manière beaucoup plus lisible, ainsi que la récente hausse de 2017. Cette hausse importante et extrêmement rapide affole les esprits, les marchés, les banques et les Etats. Or, dans le cadre d’une loi de distribution exponentielle, celle-ci ne constitue pas une hausse de type bulle spéculative, elle ne fait que respecter la loi de distribution
exponentielle du protocole. On verra plus loin ce que l’on est en mesure d’attendre de celle-ci a plus long terme. Il est important de se souvenir que le processus Bitcoin s’inscrit dans un mécanisme prévu pour durer 131 ans, et que l’on n’en est qu’à 9 ans d’existence fin 2017, soit environ 7% de la durée totale.
En faisant une plus fine analyse du graphique de la figure 6, on peut constater que chaque nouvelle ère est suivie d’une hausse importante, c’est-à-dire plus importante que la pente exponentielle qui devrait être décrite par une ligne droite sur l’échelle logarithmique. Ce phénomène est visible début 2011 (passé la phase de mise en place du réseau entre 2009 et mi-2010) et au début de 2013. Ce phénomène peut être expliqué par le changement d’ère, et comme indiqué plus haut sur la figure 4, le déficit de rémunération doit alors être nécessairement compensé par une hausse rapide du cours, rattrapé par la suite par une correction à la baisse puis une stagnation, ou du moins une hausse modérée du cours (dans une échelle logarithmique tout de même). Le phénomène de forte hausse de 2017 peut correspondre à ce même phénomène.
Si on considère le tracé du cours dans son ensemble, en reliant simplement les points bas, on peut imaginer que la suite de sa progression dans un repère logarithmique est bien linéaire.


Distribution et rareté
Pour faire une analogie plus concrète que le système Bitcoin, imaginons que le stock de pétrole mondial soit arrivé à épuisement et que le pétrole contenu dans la dernière cuve soit distribué de trois manière différentes.
Définissons la rareté du produit (bitcoin ou pétrole) par la lettre r et l’épuisement du stock par la lettre d pour distribution. La distribution s’exprimera en litres par heure dans le cas de notre exemple, et en BTC par bloc dans le cas de Bitcoin.
Premier cas : Imaginons que la distribution soit effectuée de manière continue, par exemple 1 litre par heure. Le taux de distribution d est constant. Dans l’analogie avec notre cuve de pétrole, cela signifie que la vanne de vidange est ouverte au départ et que l’on n'y touche plus par la suite. L’épuisement du stock se fera alors de manière linéaire, le niveau diminuant à une vitesse constante. La rareté du produit s’accroîtra donc de manière linéaire au cours du temps t. On peut alors poser l’équation suivante :

Que l’on exprimera : « la rareté s’exprime au cours du temps comme le taux de distribution multiplié par le temps, plus la rareté initiale (b) ». Par définition, la dérivée de la rareté r(t) exprime le taux de variation de la rareté, on a alors :

Que l’on peut traduire par « la variation de rareté est égale à la distribution effectuée ». La figure 7 apporte une représentation graphique de ce premier cas.

Figure 7 : distribution continue.


Deuxième cas : Imaginons que la distribution soit effectuée de manière à ce qu’elle augmente régulièrement au cours du temps. Dans l’analogie avec une cuve de pétrole, cela reviendrait à dire que l’on ouvre la vanne de plus en plus grand de jour en jour, ceci de manière continue. Dans ce cas, on a une variation linéaire de la distribution d, que l’on peut exprimer ainsi :

Le coefficient a est le taux de variation de la distribution, imagé dans notre exemple par l’ouverture progressive de la vanne de notre cuve. En reprenant le concept du premier exemple où l’on a vu que la dérivée de la rareté exprimait la distribution, on peut alors faire le raisonnement inverse où l’intégration de la distribution correspond à la rareté. On écrira alors :

La rareté s’exprime alors au cours du temps selon une forme parabolique. La figure 8 représente l’allure de la courbe obtenue.

Figure 8 : variation de distribution linéaire


Troisième exemple : Imaginons maintenant que notre distribution soit maintenant de la forme exponentielle, comme l’est la distribution du bitcoin au cours du temps [lien : voir plus haut]. Dans notre analogie avec une cuve de pétrole, cela correspondrait à pratiquer une énorme brêche dans la cuve d’où une énorme quantité de pétrole s’échapperait au départ (50 BTC par bloc), puis finirait par diminuer au fur et à mesure que le niveau dans la cuve baisserait, jusqu’à ce que les dernières gouttes reposant sur le fond de la cuve s’écoulent.
En reprenant le concept précédent et la formule [lien vers plus haut] décrivant la distribution de bitcoins au cours du temps, on a alors (avec t remplaçant x et d(t) remplaçant y) :

Que l’on peut exprimer sous une autre forme :

Selon le même raisonnement qu’effectué précédemment, on a alors :

On peut donc voir que dans le cas d’une distribution de forme exponentielle, la rareté s’exprime alors aussi selon une variation exponentielle. La représentation graphique est donnée à la figure 9.

Figure 9 : distribution et rareté exponentielles

 

Rareté et valeur
La variation de rareté en fonction du temps est de la forme :

Sa représentation en fonction du temps est illustrée à la figure 10.

Figure 10 : variation de la rareté en fonction du temps

Légende : rareté exprimée en fonction du temps, en abscisse chaque unité représente une ère.


On constate que l’augmentation de la rareté évolue rapidement sur le début de la période pour ensuite se stabiliser à une valeur que l’on peut considérer fixe par rapport à la forte augmentation initiale.
De nombreux économistes se sont penchés sur le lien entre la rareté et la valeur d’un bien. Les questions posées par ce sujet trouvent leur réponses autant dans la sphère philosophique qu’économique. Ce point n’étant pas l’objet de ce document, le lecteur devra se tourner vers d’autres sources pour approfondir la question. La lecture de la page Wikipedia traitant de ce sujet est malgré tout intéressante à lire en première approche en se rappellant que le bitcoin est non reproductible et fait bien l’objet d’un marché au sein duquel des utilisateurs sont près à payer pour l’acquérir. Les points de vue de Ricardo et Condillac semblent d’ailleurs tout à fait adaptés à la description du phénomène Bitcoin.
Dans cette étude, nous nous contenterons de faire un lien direct entre rareté et valeur en déclarant naturellement que plus un bien est rare, plus sa valeur augmente.
Avec cette hypothèse assez communément admise sur le lien entre rareté et valeur, on peut analyser la courbe d’évolution de la rareté (figure 10) et dire que l’évolution exponentielle du cours du bitcoin au cours de ses premières années d’existence est conforme à ce qui est défini par le protocole Bitcoin. Ceci ne consiste donc pas en une bulle spéculative mais est bien représentatif du fonctionnement tel qu’il a été pensé par Satoshi Nakamoto.


Quant à l’accusation faite envers le protocole Bitcoin d’être un système de Ponzi, cela est révélateur d’une mauvaise compréhension de Bitcoin, ou de Ponzi (voire des deux). Dans le système Ponzi, les investissements des nouveaux arrivants servent à payer les gains que sont supposés faire les primo-entrants. Ce système répond aussi à une logique exponentielle, qui finit bien évidemment par s’effondrer et conduire son organisateur en prison. Cependant, ce n’est pas parce que quelque chose est exponentiel qu’il est frauduleux, et dans le cas du protocole Bitcoin, les nouveaux arrivants ne peuvent acheter que ce que les propriétaires de bitcoin veulent bien leur vendre. Personne d’autre ne s’enrichit que les détenteurs de bitcoin, s’ils vendent à un cours plus élevé qu’ils n’ont acheté eux-mêmes. Seule la loi de l’offre et de la demande agit, ce qui en fait un système « simplement » spéculatif, comme il en est organisé autour de toutes les autres monnaies « classiques ». Bitcoin est décentralisé, il n’y a donc pas « d’entité supérieure » distribuant des bitcoins sous promesse de gains importants (voir avertissement ci-après). Le logiciel (libre, par ailleurs) crée et distribue de nouveaux bitcoins toutes les dix minutes mais ne gagne pas d’argent.


Nota : Cette analyse sur le cours du Bitcoin est théorique et ne tient pas compte d’influences extérieures majeures qui pourraient subvenir et faire évoluer le cours de manière notable. Je reprendrai la recommandation formulée par le site www.bitcoin.fr : Avertissement : Avant d’être un actif, Bitcoin est avant tout une expérience inédite et imprédictible. N’y investissez pas plus que ce que vous pouvez vous permettre de perdre. En outre, avant d’acheter des bitcoins, il faut savoir que le projet n’est pas, à l’heure actuelle, à son stade final, même si les fondamentaux du protocole ne bougeront probablement plus.
Je rajouterai que le protocole étant par nature exponentiel, les gains et les pertes peuvent suivre cette loi.